QUELQUES TRAITS DE LA VIE DU PÈRE PAUL, DE MOLL


À Zele était un petit garçon des plus chétif. Outre une petite bosse, causée par la déviation d'un os, il avait un pied tourné en dedans. Ses deux sœurs l'ayant amené à Termonde, le Père mit le petit malheureux à plat sur ses genoux, enfonça doucement de sa main la petite bosse et y mit un peu d'eau bénite.

Puis, prenant le pied contourné, sans aucun ménagement, il lui donna la direction normale, à l'effroi de ses deux sœurs, qui ne pouvaient retenir leurs cris ; ensuite il mit également sur ce pied de l'eau bénite.

Pendant ces rapides opérations, l'enfant ne fit entendre aucune plainte et lorsque Père Paul le déposa à terre, il était dans son état normal.

Après avoir témoigné toute sa reconnaissance pour cette guérison si soudaine, l'une des sœurs dit au Père :

— C'est moi maintenant qui suis le plus à plaindre : je voudrais être admise dans un établissement comme pensionnaire, mais les ressources me manquent. Il me faudrait deux mille francs, et je ne possède que la part me revenant sur le produit de la vente à faire de ce que nos parents défunts nous ont laissé. Mes frères, dont la conduite est blâmable, veulent se séparer de nous et faire le partage.

— Ne vous connaissez-vous pas un parent riche ? demanda le Père.

— Non, aucun.

— Informez-vous, et quand vous l'aurez trouvé, adressez-vous à lui après la vente : il suppléera ce qui vous manque.

Après bien des recherches un parent éloigné et riche fut découvert. La vente n'ayant rapporté que cent francs à la jeune fille, elle alla exposer sa situation à son riche cousin, elle lui dit son désir d'être admise dans une pension et son manque de ressources, mais sans indiquer la somme qui lui faisait défaut.

— Cette nuit et la nuit précédente, répondit le cousin, j'ai eu le même rêve : quelqu'un est venu me dire que je devais donner dix-neuf cents francs à une personne qui en a besoin... Ce doit être vous ! Les voici.





Un fermier d'Oostcamp recommandait son neveu [au sujet du tirage au sort pour la milice]. Ayant fait ses prescriptions habituelles, Père Paul prédit un bon numéro, mais peu élevé. La différence en faveur du conscrit ne fut que de 15.

Le fermier recommanda ensuite un autre neveu, qui devait tirer au sort l'année suivante.

— Oh ! celui-là prendra le numéro le plus élevé, à un ou deux près, dit le Père.

Ce conscrit prit le numéro 187. Le numéro le plus élevé de l'urne était 189.





Un gentilhomme wallon expose au Père Paul son désir de se rendre en Amérique, pour chercher un parti convenable au point de vue de la fortune ; mais, ajoute-t-il, ma mère s'oppose à mon projet.

— Ne faites pas ce voyage, répond le Père, vous trouverez votre Amérique dans le pays.

Peu après, le gentilhomme, fit dans une ville d'eaux, la connaissance d'une riche Américaine, qui l'agréa.





Un prêtre écrit, le 8 janvier 1897, des environs de Bruxelles :

« C'est étonnant combien de tous côtés on avait recours à la puissante intervention du Père Paul. En 1887, au château de... la fille aînée de Mme la Comtesse de... était très gravement malade, et une fièvre des plus ardente l'accablait depuis longtemps.

Ne pouvant elle-même quitter son enfant souffrante, la Comtesse chargea une femme d'aller demander au Père Paul des prières pour le rétablissement de sa fille.

Ce jour même, à 2 heures, la fièvre cessa tout à coup et la malade entra en convalescence. Or, ce fut à 2 heures précises que la commissionnaire exposa au Rév. Père la demande de Mme la Comtesse. »





Père Paul assistait au repas de famille chez une négociante en poissons à Anvers. Le Père ayant quitté un moment la salle, la demoiselle de magasin, qui depuis longtemps souffrait de grands maux d'estomac, dit :

— Nous verrons bien si ce Père est un saint aussi puissant que tant de gens le disent ; je vais m'asseoir sur la chaise qu'il vient de quitter, et si du coup je me sens guérie, je croirai, moi aussi, à sa sainteté.

À peine la demoiselle eut-elle pris la place du Père, qu'elle s'écria :

— Mon mal s'en va !

Depuis ce moment, le malaise ne s'est plus fait sentir.

Lors de cette visite du Rév. Père, le fils de la négociante était couché sur une chaise longue, par suite d'une douloureuse entorse. Père Paul fit avec son pouce une petite croix sur l'entorse et dit :

— Dans deux jours, ce sera fini.

Le pied fut guéri le surlendemain.





Nous fûmes toujours généreux pour le monastère, et Père Paul nous traitait en amis privilégiés, nous obtenant des faveurs à la moindre requête. Il m'a dit un jour : DEMANDEZ-MOI TOUT CE QUE VOUS VOUDREZ, JE VOUS L'OBTIENDRAI ; ET QUAND JE SERAI AU CIEL, DEMANDEZ TOUJOURS, J'AURAI ALORS TOUT LE TEMPS DE M'OCCUPER DE VOUS, ET MON POUVOIR SERA PLUS GRAND ENCORE.





Une demoiselle de Knesselaere, ayant le bras luxé, s'était procuré un remède chez un pharmacien de Bruges. Ce remède lui avait été délivré dans une petite bouteille ; c'était un liniment quelconque. Prescription : s'en frictionner quatre fois par jour... jusqu'à guérison.

La demoiselle s'étant ensuite rendue au monastère de Steenbrugge, Père Paul lui dit :

— Qu'avez-vous donc au bras, et pourquoi ces bandages ?

— Oh ! mon bras me fait tant souffrir ! Le pharmacien vient de me donner un remède pour me frictionner.

Père Paul ayant touché du doigt le bras luxé, la demoiselle put aussitôt s'en servir librement. Puis, d'un ton enjoué, le Père dit encore :

— Un médecin, pour vous guérir, vous eût compté au moins un franc... Vous avez payé votre remède 75 centimes, donnez-le moi, je m'en contente pour mes honoraires.

Et il empocha la petite bouteille.

Au moment de se quitter, Père Paul dit à la demoiselle :

— Voulez-vous un petit cadeau ?

— Avec grand plaisir ; vous êtes vraiment trop bon !

— Eh bien, revoici la petite bouteille, elle vous servira à guérir les pauvres gens de la commune qui se feront des luxations ou des entorses, et qui doivent se servir de leurs membres pour gagner leur pain ; vous en frictionnerez, une fois, les membres malades et les guérirez EN MON NOM ; mais la petite bouteille restera ma propriété.

Le remède, en effet, sert depuis lors à la demoiselle à guérir les pauvres, et il lui suffit de faire une légère friction, pour remettre en état les membres luxés.

Quelque temps après la mort du Rév. Père, le remède étant épuisé, la demoiselle a fait après remplir la petite bouteille du même liniment, et continue, avec le même succès, son œuvre de charité.





En 1882, une demoiselle, négociante à Malines, dut, suivant le médecin, subir une opération, mais elle déclara formellement ne pas vouloir s'y soumettre.

Espérant sa guérison du Père Paul, qu'elle connaissait, elle se rendit au monastère de Steenbrugge ; mais, hélas ! le Père aussi lui conseilla de se résigner à cette douloureuse extrémité.

La demoiselle répondit qu'elle préférait plutôt la mort.

— Vous ne m'avez jamais désobéi, reprit paternellement Père Paul, ayez toujours confiance en moi et remettez-vous docilement entre les mains du chirurgien.

Ce ne fut qu'au dernier moment que la demoiselle, se ravisant, promit au Rév. Père de suivre son conseil.

— Eh bien, dit-il alors, dans deux jours vous passerez l'heure la plus heureuse de votre vie.

Le surlendemain, la demoiselle se rend chez le docteur.

— Me voici, dit-elle, faites de moi ce que vous jugerez nécessaire et que Dieu vous aide !

Le chirurgien examine de nouveau et pousse cette exclamation :

— Mais le mal a disparu ! Il n'en reste plus trace ! Impossible de l'expliquer : c'est un vrai miracle !





On nous a raconté, dans une maison d'Anvers, le fait suivant :

La famille étant à table avec le Père Paul, une jeune demoiselle eut le petit malheur de renverser son verre de vin rouge, ce qui peut arriver à chacun ; mais cette excuse n'empêcha pas la petite imprudente de se voir sévèrement grondée.

Heureusement le bon Père Paul était là ; intervenant aussitôt, il mit la main sur la grande tache rouge et dit : « Oh ! ce n'est rien. » Et... la tache avait disparu !

Nous avons plus tard prié cette famille de confirmer le fait par écrit, mais elle s'y est modestement refusée. Pourtant, le privilège d'avoir reçu le Père Paul méritait mieux, croyons-nous.

Puisse ce détail intime amener de nombreuses connaissances du Père Paul à ne pas tenir plus longtemps sous le boisseau bien d'autres faits merveilleux et des propos édifiants ou instructifs, de nature à enrichir une future édition de notre travail !





Une demoiselle d'Anvers écrit :

À Anvers, le Père Paul recevait souvent le monde chez nous. Un hiver, il vint deux fois en trois semaines ; c'était par temps de grande neige. Je lui dis que la maison serait bien salie par la foule des visiteurs...

— Non, non, répondit-il, la maison ne sera pas salie.

— Si elle l'est, dis-je en riant, vous devrez la nettoyer vous-même !

— Oui, oui, je le ferai.

Le premier jour nous amena de 60 à 70 visiteurs, et le second 80 environ. Or, ces deux fois, la maison présentait l'aspect d'un cloaque d'eau et de boue...

Mais aussitôt que le Père Paul, s'en allant, eut franchi le seuil, notre demeure redevint subitement aussi propre que si aucun étranger n'y fût entré !

Feu mon père, mes frères et moi-même, nous n'en revenions pas.





Fréquemment, et sans que je lui en eusse parlé, Père Paul me répondait aux questions que je n'avais pas le temps de lui faire ; car, le plus souvent, aussitôt les consultations finies, on venait le prier de se rendre chez des malades incapables de se déplacer.

Un jour, j'avais l'intention de consulter le Rév. Père, mais, trop occupée, je l'oubliai. Or, sur le point de nous quitter, Père Paul me répondit à ce sujet ; et comme tout d'abord je ne comprenais pas le sens de ses paroles, il me dit en riant : C'est la réponse à ce que vous aviez l'intention de me demander tout à l'heure.





La Rév. Mère Supérieure du couvent du Sacré-Cœur, situé en face de chez nous, fit demander le Père pour une sœur qui ne pouvait plus travailler, par suite d'un mal dans le dos. Je l'accompagnai au couvent.

Aussitôt en présence de la Sœur malade, Père Paul lui donna sa bénédiction, et elle fut guérie instantanément.

La Mère Supérieure supplia alors le Père Paul de bien vouloir dire la messe au couvent le lendemain à 5 1/2 heures ; il le promit, à condition qu'il me fût permis d'y assister. Cette permission m'étant accordée, le Père me dit :

— Vous viendrez à ma messe, demain.

— Non, je me sens trop fatiguée, et à 5 1/2 heures, c'est bien trop tôt : je ne suis pas si matinale.

— Et pourtant vous viendrez, dit en souriant le Père.

— Non, je ne viendrai pas.

Sur ce, je quittai Père Paul et rentrai chez moi, tandis que lui se rendit chez la famille où il logeait, et qui habite loin de chez nous.

Je dormais bien toute la nuit ; mais, vers 5 heures, je fus réveillée par une voix que je reconnus être celle du Père Paul... J'entendis distinctement :

— Louise, levez-vous, il est temps de venir à ma messe !

Me croyant le jouet d'un rêve, je voulus me rendormir ; mais la voix reprit deux fois encore et de plus en plus pressante :

— Louise, il est temps, levez-vous et venez à ma messe !

Père Paul vint déjeuner chez nous après la messe et me dit en riant :

— Eh bien il m'a fallu vous appeler trois fois, ce matin !... Je vous avais bien dit, que vous viendriez à ma messe ! Je suis un bon réveille-matin, n'est-ce pas ?

— Comment avez-vous pu le faire ? Vous n'étiez pas chez nous !

— Le bon Dieu m'a permis de vous faire entendre ma voix sans que je fusse chez vous.





Une femme malade allait demander sa guérison au Père Paul. Elle s'était fait accompagner par une amie. Le Rév. Père prescrivit une neuvaine et assura la guérison.

Puis s'adressant à l'autre femme, il lui demanda si elle aussi n'était pas malade ?

— Non, je ne suis venue que pour accompagner mon amie.

— Et pourtant vous êtes très malade !

— Mais non, je suis bien portante.

— C'est votre âme qui est malade, elle est aussi noire que la suie.

— Pourquoi ?

— N'avez-vous pas noyé votre enfant ?

— Oh non, je n'ai jamais fait chose pareille !

— Certainement ! il y a onze ans, et à telle place, ajouta le Père en indiquant l'endroit précis... et vous ne vous en êtes jamais confessée.

La marâtre fondit en larmes et se confessa au Père Paul.





Une servante, souffrant des yeux, demandait sa guérison au Père Paul.

— Rendez d'abord les trois bouteilles de vin que vous avez volées à vos maîtres, lui répondit le Père ; puis, faites une neuvaine à saint Benoît et vous guérirez.

La servante atteste avoir obtenu sa guérison pendant la neuvaine, et aussitôt après restitution des trois bouteilles de vin.






Une campagnarde de Saint-André (Bruges) rapporte :

La première fois que je vis le Père Paul, il me dit :

— Il y a beaucoup de mal dans votre ferme. Vous êtes une brave femme qui accomplissez bien tous vos devoirs, religieux et autres. En toutes circonstances fâcheuses, et aussi bien le jour que la nuit, vous pouvez toujours venir. Ne m'épargnez pas. Je vous aiderai toujours en tout ce qu'au monde vous pouvez imaginer, car je puis tout.

Et vraiment, sa protection fut merveilleuse ; sans lui notre ruine était certaine, tellement nous éprouvions des malheurs et des contrariétés. Quelques exemples :

J'avais un bébé rachitique et sur le point de mourir. Étant allée à Steenbrugge, Père Paul me dit : « L'enfant guérira. » Dès mon retour je le vis tout changé et guéri !

Un jour nous vîmes toutes nos poules dans un état inimaginable... la queue contournée vers la tête et la tête contre la queue comme si un maléfice leur avait été jeté. Je l'ai dit au Père Paul et de suite mes poules furent libres.

Deux fois de suite, nous avions baratté sans obtenir du beurre. C'était deux fois une perte de deux kilos. La baratte suivante donnant même résultat, mon mari demanda d'arrêter la besogne jusqu'à son retour de Steenbrugge, où il voulait aller se plaindre au Père Paul. Le Rév. Père lui donna une Médaille, recommandant de la tremper trois fois dans le lait de la baratte. Nous le fîmes et obtinrent, non seulement les deux kilos d'habitude, mais six kilos ! ce qui nous indemnisa des deux insuccès précédents.

Tous nos porcelets allaient crever. À peine avais-je dit vouloir aller chez Père Paul, que tout à coup ils se mirent à courir, complètement guéris !

Il suffisait souvent de nous mettre en route pour aller nous plaindre au Père Paul du mal qui nous survenait, pour que le mal disparut.





Un fermier d'Assebrouck, ayant successivement perdu plusieurs têtes de bétail, s'en plaignait au Père Paul.

— Vous avez en service un vacher manchot que vous devez congédier de suite, répondit le Père, car lui seul est la cause de vos malheurs. Il a en sa possession quantité de livres de magie, qu'il lit en cachette. Au service militaire, il a tenté de se suicider, en voulant se tirer un coup de fusil dans la tête, mais la balle, ayant dévié, a atteint son bras, qu'on a dû amputer.

Le fermier se rappela alors que parfois, en effet, on voyait le vacher absorbé dans la lecture de livres, qu'il s'empressait de cacher dès qu'on s'en apercevait.

Le vacher fut congédié aussitôt, et dès lors les maladies cessèrent à l'étable.





Un samedi du mois d'août 1886, ouvrant son armoire, une campagnarde de Steenbrugge constata la disparition d'un petit sac en toile contenant cinq cents francs en or. Le vol devait avoir été commis la veille.

La femme porta plainte au bourgmestre, mais sans résultat.

Le mardi suivant, vers le soir, elle prit son recours au Père Paul.

— Retournez tranquillement chez vous, répondit le Rév. Père, votre argent vous sera rendu : le voleur sera forcé de vous rapporter lui-même tout ce qu'il vous a enlevé.

N'ayant pas fermé l'œil de toute la nuit, la campagnarde se leva le lendemain matin dès 4 heures et se mit à explorer de nouveau les coins et recoins de sa demeure, quand, parvenue à une porte de derrière ayant au bas une petite ouverture, elle revit avec bonheur, éparpillées sur les dalles, toutes ses belles pièces d'or !

Le voleur devait être venu, la nuit, faire restitution à ce guichet d'un nouveau genre.





Une femme de Steenbrugge se rend au monastère et dit au Père Paul :

— Nous sommes accablés de tristesse. Notre fils nous a quittés depuis si longtemps et sans rien nous en dire. Qu'est-il devenu ? personne n'a pu nous l'apprendre ; peut-être est il mort ?

— Tranquillisez-vous, votre fils n'est pas mort. Il reviendra dans trois jours et restera chez vous pour être le soutien de ses parents, de son frère et de sa sœur. Mais, à son retour, ne lui dites pas que vous êtes venue ici.

Trois jours après, à midi, ce jeune homme, qui s'était fait valet de ferme dans un village éloigné, s'asseyait à la table du fermier pour le repas ; or, au moment de porter à la bouche sa première cuillerée de potage, il se sent tout à coup comme bouleversé et, au grand étonnement des convives, jette à terre sa cuiller, quitte précipitamment la ferme et entreprend une course folle vers Steenbrugge, distant de plusieurs lieues.

En nage et tout hors de lui, il entre comme une bombe chez ses parents, qui, du reste, l'attendaient avec confiance et le plus grand calme.

— Qu'est-il donc survenu ici ? fit-il haletant, je me suis subitement senti forcé de revenir !

— Mais rien de fâcheux, dit la mère du ton le plus naturel, vous nous voyez tous bien portants, grâce à Dieu !

— Eh bien, mère, je ne vous quitterai plus et nous travaillerons ensemble.





Une demoiselle de Gand avait un vieux cactus à l'aspect misérable. Père Paul voyant cette plante, demande si elle ne fleurissait plus ?

— Plus depuis quatorze ans, je vais la jeter.

— Ne le faites donc pas ! peut-être en aurez-vous encore des fleurs ! ne fût-ce que quatre ou cinq...

Cette année, le vieux cactus refleurit et produisit cinq belles fleurs ! Ce furent les dernières.





Père Paul recevant une demoiselle d'Eecloo, lui montre le doigt et dit :

— Vous vous laissez tourmenter par un scrupule ! C'est mal, le bon Dieu n'est pas content des scrupuleux ; dites-moi ce que c'est.

— Je n'ose pas.

— Dites tout de même.

— Je suis gênée.

— Allons, voyons !

— Non, je suis honteuse... dites-le vous-même !

Et Père Paul le lui dit de façon détaillée, puis il ajouta :

— Surtout ne le dites pas à confesse, car c'est ridicule. Et ne soyez plus jamais scrupuleuse.

La demoiselle avait alors une exostose sur la main.

— Qu'avez vous donc sur la main ? demanda Père Paul.

— Oh ! j'ai cela depuis huit ans.

Le Père prit la main et appuya fortement son pouce sur la tumeur.

— Vous me faites mal ! fit la demoiselle.

Père Paul appuya davantage, et puis on n'en parla plus.

Chez elle, le lendemain, deux petits garçons se taquinant, l'un donne un coup bien fort sur la main de son petit camarade. La demoiselle le voit et réprimande vivement le trop turbulent enfant :

— Cela n'est pas bien ! car, en frappant ainsi, vous pouvez occasionner ce que moi-même j'ai ici, dit-elle en montrant sa main, tandis qu'elle regarde sévèrement le petit garçon.

— Eh bien ?... demande celui-ci en riant, qu'avez-vous donc ?

La demoiselle ne s'était pas encore aperçue de la disparition de l'exostose, dont sa main ne portait plus la moindre trace.





Une jeune servante accompagnait sa maîtresse à Steenbrugge. Père Paul lui dit en riant :

— Vous avez souvent des songes curieux, n'est-ce pas ?

— Oh ! oui.

— Racontez-les moi.

— Jamais de la vie ! je ne le dirais à personne.

— Vous pouvez bien me le dire à moi !

— Non, non, non, rien !

— Dites-moi au moins votre dernier songe...

— Rien !

— Voulez-vous que moi je vous le dise ?

Et Père Paul de raconter exactement le songe de la servante, et cela avec des détails que déjà elle-même avait oubliés.





À la demande d'un artiste peintre de ses amis, à Bruges, le Père Paul consentit, en 1888, à laisser faire son portrait. L'ouvrage n'était pas toujours facile, car, par moments, la fatigue du Père lui fermait les yeux, et la pose s'en ressentait naturellement.

Dans un moment d'impatience, le peintre se prit à dire mentalement :

— Saint Benoît, faites donc éternuer mon modèle, pour qu'il se réveille !

À l'instant même, Père Paul éternua avec un bruit assourdissant et dit, en riant, au peintre et en lui montrant le doigt :

— Coquin ! vous avez prié pour me faire éternuer !





À Termonde, un Brugeois disait au Père Paul que Mgr de Brabander venait d'être nommé Évêque de Bruges.

— On n'en jouira pas longtemps, répondit-il, peut-être une année ou... trois mois de moins.

L'Évêque mourut neuf mois après.





Il arrivait parfois que, dans une réunion, Père Paul s'adressait à tel ou tel, sans se faire entendre des autres personnes présentes.

Et il répondait aux questions qu'on lui faisait mentalement.





Un jeune homme, pourvu d'une belle et luxuriante chevelure, voyait ses cheveux tomber dru. Craignant la calvitie, il écrivit au Père Paul, mais celui-ci ne répondit qu'avec une certaine indifférence à ce sujet.

Le mal persistant, le jeune homme recourut de nouveau au puissant religieux, il se rendit à Termonde.

Le Rév. Père le tranquillisa, disant :

— Oh ! maintenant il en est tombé suffisamment ; toute la tête est encore assez garnie, vous garderez ces cheveux-là.

Il en fut ainsi.





Une demoiselle de Gand visitait le Père Paul en 1889. Au cours de la conversation, le Père, s'interrompant, dit : POUR L'AMOUR DE JÉSUS ; puis comme ravi en extase, il fut élevé à 80 centimètres environ de son siège et resta ainsi pendant huit à dix minutes ; il redescendit ensuite lentement sur sa chaise et reprit l'entretien.





En 1888, un jour qu'une dame de Bruges avait l'honneur d'avoir le Père Paul pour convive, la servante, rentrant à la salle au milieu du repas, jette soudain un cri d'étonnement en regardant le Rév. Père.

— La dame ne s'expliquant pas cette exclamation insolite, en demande la cause :

— Qu'avez-vous donc ? ce n'est pas la première fois que vous voyez le Père Paul.

Mais la servante, confuse et encore tout interdite, ne trouva pas à s'expliquer ; elle venait de voir le Père Paul tout rajeuni, ne paraissant avoir que 30 ans, et la tête entourée d'une auréole lumineuse d'un diamètre de 30 centimètres environ.

Après le dîner, le Père, rencontrant la servante, lui dit :

— Pourquoi donc avez-vous fait ce bruit ?

— Mais parce que vous portiez une étoile sur la tête ! répond la servante, encore toute décontenancée.

— Oui, oui, c'est bon, fit-il nonchalamment en s'éloignant.





En 1886, travaillant au champ, notre cheval frappa fortement du paturon contre le tranchant du soc de la charrue ; l'os fut cassé et le pied pendait.

Je l'écrivis aussitôt, et Père Paul répondit : « Faites une neuvaine à saint Benoît et lavez la jambe du cheval à l'eau de la Médaille. »

Trois semaines après, le pied fut remis, sans que le cheval eût été malade. Le vétérinaire en était stupéfait.





Recevant un jour du Père Paul une lettre répondant à diverses questions, j'y lus aussi ces lignes :

« Il y a dans votre rue un pauvre colporteur dont les enfants sont sans pain ; ils attendent le retour de leur père pour se procurer de quoi manger. Ce colporteur vend des étuis d'aiguilles ; achetez-lui un de ces étuis. »

Je me demandais pourquoi le Père Paul m'avait écrit cela, quand un colporteur vint m'offrir ses étuis d'aiguilles à dix centimes ! je m'empressai naturellement d'en acheter un.





Un ami de Bruges avait écrit à Termonde demandant une réponse. Le pli à peine expédié, il reçoit du Père Paul une lettre adressée la veille : c'était la réponse demandée à l'instant !





Le même ami écrivit au Père Paul, demandant qu'une chose se fasse de telle façon. Il répondit : « Faut-il que cela se fasse comme vous voulez, ou comme moi je veux ? » L'ami s'empressa de répondre : « Comme vous voulez ! » Le résultat fut inespéré, cent fois meilleur !





Une aubergiste d'Oostacker, connaissance du Père Paul, rapporte ceci :

Le 4 février 1896 (1), à 11 heures du matin, sans l'avoir vu entrer, je vis tout à coup le Père Paul dans mon auberge. Il paraissait en excellente santé ; cependant je lui reprochai d'être venu à pied, puisque, d'habitude, je prenais à ma charge ses frais de voiture quand il visitait Oostacker.

— Oh ! je me porte on ne peut mieux, dit gaiement le Père en se frottant les mains.

— Peut-on vous offrir un verre de vin ?

— Non, je ne prends rien, car je suis pressé et il me reste d'autres courses à faire au Béguinage et chez un notaire. Vous ne me reverrez plus jamais ; annotez bien le jour et l'heure de ma visite. Je suis venu parce que vous aviez encore besoin de ceci.

Et le Père retira de dessous son manteau un scapulaire en bure (large de 18 centimètres sur 15 de long), portant une Médaille, et qu'il me donna en échange d'un autre scapulaire donné auparavant et qu'il jeta au feu. Puis il me remit encore une poignée de Médailles, à distribuer, disait-il, à des personnes qui en feraient bon usage.

Après m'avoir donné quelques conseils, le Père me fit défense formelle d'assister à son enterrement, parce que, ajouta-t-il, vous ne pourriez maîtriser votre émotion.

Après cet entretien, de dix minutes seulement, Père Paul me dit :

— Allez à la cuisine maintenant, et mettez vos pommes de terre sur le feu.

Les pommes de terre étaient, en effet, épluchées et prêtes à être bouillies. Je me rendis à la cuisine et, quelques instants après, je revins à la salle ; mais, à mon grand étonnement, le Père avait disparu.



(1) À cette époque, le Père Paul était depuis longtemps retenu dans sa chambre par l'hydropisie dont il mourut le 24 du même mois.





Nous avions au jardin une volière de tourterelles. En 1893, Père Paul, s'en approchant, me dit :

— Vous n'avez donc pas de tourterelles blanches ?

Depuis lors, tous les petits sont éclos le plumage blanc, et nous n'avons plus que des tourterelles blanches.





Un Rév. Père Bénédictin d'Angleterre, un Brugeois, dit :

Un jour, je me trouvais, avec plusieurs voyageurs, dans la salle d'attente de la gare de Bruges ; nous étions tous silencieusement assis. Entre un nouveau voyageur que chacun regarde avec étonnement : c'était un religieux, tenant en main son bréviaire fermé. Le brun de sa soutane usée avait pris une teinte plutôt verdâtre, comme du reste son vieux chapeau, et ses souliers étaient tout aussi cossus. Tandis qu'il marchait lentement d'un bout à l'autre de la salle, un prêtre vint me dire à l'oreille :

— Vous ne connaissez pas ce Père ? c'est le Père Paul, de Steenbrugge.

J'étais heureux de voir ce bon Père, dont on m'avait parlé, quand une pauvre vieille femme, venant d'entrer, l'accoste et lui dit :

— Père, je voudrais tant vous parler ! Quand pourrai-je vous trouver au monastère ?

— Mais, dites maintenant, répondit-il.

— Non, c'est trop long et le train va venir.

— Oh, le train sera en retard de vingt minutes, parlez à votre aise.

Le portier, ayant entendu ces derniers mots, partit d'un éclat de rire. Cependant l'entretien du religieux avec la vieille femme commença et dura longtemps. Finalement, le portier annonça l'arrivée du train... Il était en retard de vingt minutes, exactement !





Quelqu'un se plaignait au Père Paul :

— Mon frère, qui toujours a mal vécu, et pour la conversion duquel j'ai tant prié, est tombé à l'eau et s'est noyé.

— L'espace entre le pont et l'eau est grand, répondit le Père, votre frère a eu le temps de faire un bon acte de contrition.





Un monsieur demande conseil au Père Paul.

— Êtes-vous catholique ou libéral ? interrompt le Rév. Père.

— Libéral.

— Dans ce cas, c'est à votre curé que vous devez vous adresser.





Une vendeuse de journaux libéraux d'Anvers, sur le point de devenir aveugle, se rendait à Termonde pour demander sa guérison au Père Paul et reçut cette réponse :

— Vous ne pouvez pas guérir, parce que vous vendez de mauvais journaux.

Un malade de Zweveghem fait demander sa guérison au Père Paul.

— Il ne guérira pas, parce qu'il lit de mauvais journaux, fut la réponse.





Un aubergiste de Steenbrugge raconte :

Ma belle-sœur mourut en mettant au monde un enfant des plus chétif, qui mourut aussi quelques jours après.

Tandis que nous nous apprêtions à faire la toilette au petit cadavre, Père Paul entre et dit :

— Cessez vos apprêts, car cet enfant n'est pas encore tout à fait mort ; je m'occuperai de lui, et il deviendra un bel et fort garçon joufflu.

Le pauvre petit se ranima, guérit bientôt et est devenu un beau jeune homme, joufflu au possible.